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La holding animatrice de groupe, une notion fiscale aux contours imprécis

Le 13 juillet 2017

En raison de l’absence de définition légale de la holding animatrice et d’un projet d’instruction de 2014 qui n’a jamais vu le jour, les praticiens sont incités à la plus grande « prudence » dans le cadre de schémas de réorganisation impliquant une telle structure. Cette situation semble être en passe d’évoluer, mais est-ce réellement une bonne nouvelle pour l’entrepreneuriat et les contribuables ?

La qualification de holding animatrice présente une importance déterminante dans le cadre de l'application de certains dispositifs fiscaux de faveur (ISF pour biens professionnels, abattement du Pacte Dutreil, réduction d’ISF ou d’impôt sur les revenus pour souscription au capital d’une PME, abattement sur la plus-value de cession des dirigeants partant à la retraite, etc.).

Toutefois, à ce jour, il n’existe pas de définition légale générale de cette notion propre à s’appliquer à l’ensemble des régimes concernés et tirant les conséquences d’une jurisprudence particulièrement abondante.

1. Des précautions quant au caractère animateur de la holding

Le législateur a défini la holding animatrice dans le cadre de la réduction ISF pour investissement dans les PME comme « une société qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers » [1].

Cette définition se retrouve également dans les commentaires administratifs de différents régimes [2] mais n’est toutefois pas générale.

Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la lourde tâche de dégager les contours d’une notion sensible, source tant d’opportunités que de contentieux.

S’agissant de la qualification de holding animatrice, aucun seuil minimum de détention dans le capital de la ou des filiales n’a été fixé, mais il résulte du projet d’instruction non publié de 2014 que l’actif de la société devrait désormais se composer en principe exclusivement de participations majoritaires ou à tout le moins qu’aucun autre associé ne doit disposer d’une fraction de capital plus importante. À cet égard, la présence au sein de la holding d’une seule participation minoritaire pourrait être de nature à lui faire perdre son caractère animateur.

Pour établir que la holding dans lequel il détient une participation présente un caractère animateur, le redevable doit faire état d'éléments concrets de nature à établir l'influence réelle de la holding sur la politique du groupe, l'activité ou le fonctionnement de ça ou de ses filiales. Il ne suffit pas d'établir que la holding dispose des moyens d'influer sur la politique du groupe, il faut justifier que ces moyens sont effectivement mis en œuvre. Une telle preuve est apportée lorsqu'il existe des conventions avec les filiales imposant à ces dernières de respecter la politique générale du groupe exclusivement définie par la société holding [3].

De plus, la réalité du rôle d'animateur d'une société holding est également établie par la constatation de l'intervention essentielle de son dirigeant dans la détermination de la politique et le contrôle du groupe, attestée par les comptes rendus des conseils d'administration et les rapports des commissaires aux comptes [4].

Cela étant, dans une décision en date du 11 décembre 2014, le TGI de Paris a indiqué que « le seul fait que cette société possède également une participation minoritaire dans une société dont elle n'assure pas l'animation n'est pas de nature à remettre en cause sa qualité de holding animatrice » [5].

La Cour d'appel de Paris a opportunément confirmé cette solution, par une décision en date du 27 mars 2017 [6].

Est ainsi confirmée l’exonération totale d’ISF au titre des biens professionnels de la quote-part de valeur des titres de la société holding correspondant à ses participations dans les filiales animées.

A contrario, il a été jugé que l’animation ne pouvait être établie par la seule identité de dirigeant entre la holding et les filiales [7] ou par l'importance de la participation détenue par la holding dans le capital de la filiale [8].

De même, l'existence, au sein de la société holding, de structures importantes pour réaliser l'animation du groupe, ainsi que la fourniture par cette société de services spécifiques rendus de manière habituelle, ne suffit pas à consacrer son caractère animateur [9].

L’animation doit donc être réelle et effective et la société holding doit obligatoirement définir la politique du groupe notamment, par la communication par la holding de cette politique aux filiales et le contrôle par la holding de l'application effective par les filiales des préconisations effectuées.

Aussi, il est conseillé de formaliser ce rôle animateur par une convention écrite d’animation entre la holding et ses filiales et de veiller à son application et son évolution dans le temps, l’animation devant être continue.

La qualification de la holding animatrice reste donc incertaine et est, à ce jour, un sujet de contestation fréquent compte tenu de l’absence de définition solide et stable. Il en découle une insécurité fiscale. Cela peut être un frein au développement notamment lorsque deux sociétés animatrices de groupe souhaitent participer au développement d’une filiale commune. Les associés de l’une d’elles pourraient renoncer à un tel projet en raison de la position de la DLF sur la co-animation [10].

2. La holding animatrice de groupe, un statut incertain

Le 3 novembre 2015, le Conseil supérieur du notariat, le Conseil national des Barreaux et le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables avaient élaboré une définition commune de la holding animatrice, la Commission des finances de l’Assemblée nationale ayant refusé de se saisir du sujet. L’objectif revendiqué était de « combattre l’insécurité fiscale qui menace la vie des entreprises, leur organisation, leur développement, leur transmission et leur mobilité. » [11].

Il ne s’agissait pas de révolutionner la définition, mais de clarifier une position rendue ambigüe par l’abondance de la jurisprudence.

Le 16 juillet 2015, le Sénateur M. Christophe-André Frassa avait attiré l'attention du Ministre des Finances et des comptes publics sur la définition de la société holding animatrice. À ce titre, il lui demandait de préciser les conditions exactes permettant de déterminer le caractère animateur d'une holding, à défaut, les conditions ne permettant pas de d'obtenir le statut de holding animatrice [12].

Cependant, la réponse en date du 1er décembre 2016 ne semble pas apporter de précisions supplémentaires [13]. Le Ministre des Finances et des comptes publics a énoncé que l'animation effective d'un groupe se caractérise par un contrôle suffisant de la holding sur ses filiales pour lui permettre de conduire la politique du groupe.

Ce contrôle s'apprécierait comme suit :

  • D'une part, au regard du pourcentage du capital détenu et des droits de vote, d'autre part, au regard de la structure de l'actionnariat,
  • La holding doit également dans les faits assurés de façon concrète la conduite de la politique du groupe, c'est-à-dire son animation. Elle doit conduire la politique générale du groupe et s'assurer de sa mise en œuvre effective. L'animation ne peut être établie que sur la base d'un faisceau d'indices.

Cette réponse ministérielle ne sécurise pas formellement les contribuables dans leurs opérations, l'administration restant imprécise sur la notion de contrôle. En outre, à la lecture de la loi de finances pour 2017, le caractère animateur de la holding n'est pas clarifié. Il convient donc d’appeler les praticiens à redoubler de vigilance dans les conseils prodigués autour de la holding animatrice.

[1] Article 885-0 V bis-V du CGI.

[2] BOI-ENT-DMTG-10-20-40-10-20140519.

BOI-PAT-ISF-30-30-40-10 n° 140

[3] Cass. com. 8 février 2005 n° 191 F-PB

CA Paris 14 octobre 2005 n° 03-16746, 1e ch., section B

[4] Cass. com. 27 septembre 2005, n°03-20665

[5] TGI de Paris 11 décembre 2014 n° 13/06937.

[6] Cour d'appel de Paris 27 mars 2017, Pôle 5 - chambre 10, , n° 15-02544

[7] Cass. Com. 19 novembre 1991, n°1457.

[8] Cass. com. 8 juillet 1997, n°95-14084.

[9] Cass. Com. 27 septembre 2005, n°03-20665.

[10] Lors d’une réunion de l’IACF, la Direction de la législation fiscale a évoqué l’absence possible de reconnaissance d’une co-animation de groupe.

[11] Communiqué de presse CSN, CNB et CSOEC du 3 novembre 2015.

[12] Question écrite n° 17351 de M. Christophe-André Frassa, publiée dans le JO Sénat du 16/07/2015 - page 1705.

[13] Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée dans le JO Sénat du 1er décembre 2016 - page 5192.

L'abus de droit et le démembrement temporaire des parts de SCI

Le 23 mai 2017

Rapport 2017 du Comité de l'abus de droit fiscal - Affaire n°2016-11

Ce qu’il faut retenir :

À l’issue d’un démembrement de part de SCI dont l’usufruit est accordé à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, l’administration fiscale ne peut mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit que si la société de capitaux est dépourvue de substance économique.

Pour approfondir :

L’article L.64 du LPF prévoit que lorsque l’Administration fiscale active la procédure pour abus de droit, cette dernière ainsi que le contribuable peuvent saisir le comité de l’abus de droit fiscal afin d’obtenir un avis sur la procédure. Pour rappel, l’avis du comité a pour conséquence l’attribution de la charge de la preuve qui pèsera sur celui pour lequel l’avis est défavorable.

Le Comité publie chaque année un rapport recensant les différents avis rendus. Dans le rapport 2017, l’avis concernant l’affaire n°2016-11 permet un traçage plus précis des contours de l’abus de droit dans le cas d’un démembrement de part de SCI.

Dans cette affaire, il s'agissait de contribuables détenant des parts de SCI, elles-mêmes propriétaires de locaux commerciaux donnés en location. Relevant du régime des sociétés de personnes, le résultat fiscal de ces sociétés était déterminé selon les règles applicables aux revenus fonciers, puis imposé à l'impôt sur le revenu au nom du foyer fiscal des associés. Toutefois, ils créèrent plusieurs sociétés civiles qui optèrent immédiatement pour l'impôt sur les sociétés et auxquelles ils apportèrent l'usufruit des titres des SCI pour une durée fixe. Selon les modalités de l'article 238 bis K du CGI, les résultats furent déterminés selon les modalités applicables aux bénéfices industriels et commerciaux, soumis à une imposition de 15 % pour la fraction inférieure à 38.120 € et de 33.33 % au-delà.

L’administration fiscale, considérant que ce montage faisant intervenir des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés n’avait que pour but d’atténuer la charge fiscale des contribuables, remis en cause la déclaration des contribuables sur le fondement de la procédure de l’abus de droit.

Cependant, le Comité par une appréciation concrète de la situation (présence de compte bancaire et d’une trésorerie abondante ; réalisation de placements financiers entre autre) considère qu’il y a bien, au contraire, substance économique.

Ce avis tranche avec divers avis adoptés quelques mois plus tôt, où par le même raisonnement, le Comité avait identifié à plusieurs reprises un abus de droit dans le cadre de montage recourant au démembrement de part d’un SCI, dont l’usufruit était attribué à une société soumise à impôt sur les sociétés.

L’usage du démembrement n’est donc pas abusif par nature, mais il faudra être précautionneux quant à son usage. Les nus-propriétaires veilleront à ce que les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés aient une certaine consistance économique afin d’éviter toute requalification par l’administration fiscale.

À rapprocher :

Affaire n°2014-33 du 29 janvier 2015.

L'activité de location meublée désormais imposée en BIC

Le 23 janvier 2017

Loi de finances rectificative n°2016-1918 du 29 décembre 2016, article 1142

Ce qu’il faut retenir :

À compter de 2017, les revenus tirés de la location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés sont réputés être des bénéfices industriels et commerciaux, que cette activité soit exercée à titre habituel ou occasionnel.

Pour approfondir :

S'agissant des revenus tirés de la location meublée, la doctrine fiscale précise depuis longtemps qu'ils relèvent de la catégorie des revenus fonciers lorsque la location présente un caractère occasionnel. En revanche, les revenus provenant de la location meublée effectuée à titre habituel relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et ce, quelle que soit la qualité du loueur (propriétaire ou locataire principal).

La détermination du caractère habituel ou occasionnel résulte de circonstances de fait qui doivent être appréciées au cas par cas, ce qui a pu générer des incertitudes. À cet égard, la durée de la location est sans incidence sur son caractère habituel, lequel résulte plutôt de la répétition de la location dans la durée (CE, 28 déc. 2012, n° 347607).

La loi de finances rectificative du 29 décembre 2016 a modifié l’imposition des revenus tirés d’une activité de location meublée. L’article 35 du CGI prévoit désormais que toute personne, qui donne en location directe ou indirecte des locaux d’habitation meublés, exerce une activité relevant des bénéfices industriels et commerciaux. Seuls les revenus tirés de la location nue demeurent imposables dans la catégorie des revenus fonciers.

On soulignera que le texte vise les locations directes et indirectes. Les locations indirectes concernent au cas particulier, les locations effectuées au travers d’une SARL de famille ou d’une EURL. Les locations meublées au travers de SCI restent à éviter en raison de leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés sur le fondement de l’article 206, alinéa 2 du CGI.

Dans ces conditions, les personnes effectuant de la location meublée occasionnelle relèveront d’une manière générale du régime micro. Le régime micro-BIC leur permettra de bénéficier de seuils et d’abattements plus élevés. En effet, le régime micro-BIC est applicable dès lors que les recettes de l’année précédente n’excèdent pas 33.100 € (ou 35.100 € dès lors que celles de la pénultième année ne dépassent pas 33.100 €). L’abattement forfaitaire pour frais est fixé à 50 %, avec un minimum de 305 €. Le régime micro-BIC semble à ce titre, plus avantageux que le régime micro-foncier, au sein duquel le revenu brut doit être inférieur à 15.000 € et l’abattement de seulement 30 %.

En outre, les contribuables relevant du régime micro-BIC devront désormais déclarer leurs recettes annuelles sur la déclaration 2042-C PRO. Pour les contribuables relevant du régime réel d’imposition, ils devront déclarer le montant de leur bénéfice sur la déclaration spéciale n°2031, au lieu de la déclaration n°2044, montant qui devra également être reporté sur la déclaration n°2042-C-PRO.

Cette nouvelle disposition constitue une réelle avancée sur le plan de la sécurité juridique des contribuables, car ils peuvent être désormais sûrs que les revenus tirés de la location meublée, qu’elle soit occasionnelle ou habituelle, seront imposés en BIC. Cette précision permettra d’améliorer la lisibilité de la norme fiscale et de faciliter les démarches déclaratives des contribuables, sans modification de la fiscalité des locations régulières, y compris saisonnières.

Cette mesure s’applique à l’impôt sur le revenu à compter des revenus perçus en 2017.

À rapprocher :

Rapport n°214 (2016-2017) du 13 décembre 2016 de M. Albéric de MONTGOLFIER, Commission des finances.

Licéité d’une clause d’exclusion pour justes motifs d’une société à capital variable

Cass. com., 9 nov. 2022, n° 21-10.540

Ce qu’il faut retenir : 

Est licite une clause des statuts d'une société commerciale à capital variable stipulant que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts, quand bien même cette clause ne précise pas les motifs d'exclusion.

Pour approfondir :

Au cas d'espèce, les statuts d'une SARL à capital variable stipulaient que tout associé pouvait être exclu pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts.

Lors d'une assemblée générale de la société, les associés ont voté l'exclusion d'un associé. Ce dernier a alors invoqué l'absence d'indication dans les statuts de la société des motifs d'exclusion, et a assigné la société en annulation de la clause d'exclusion.

Débouté en appel, l’associé exclu a formé un pourvoi en cassation dans lequel il reproche à l’arrêt attaqué de retenir que la clause statutaire d’exclusion est licite alors qu’une telle clause stipulant la faculté d’exclure un associé ne devrait l’être que si elle précise les causes justifiant cette exclusion.

En effet, l’associé exclu a soutenu que la cour d’appel avait violé l’article 1240 du code civil ainsi que l’article L. 236-1 du code de commerce en faisant valoir qu’une clause statutaire stipulant la faculté d’exclure un associé n’est licite que si elle précise les causes justifiant une exclusion, le simple fait de mentionner des justes motifs ne suffisant pas.

La Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement de l'article L. 231-6, alinéa 2 du Code de commerce  qui prévoit que l'assemblée générale a le droit de décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts, que l'un ou plusieurs des associés cessent de faire partie de la société. Dès lors, est considérée comme licite une clause des statuts d'une société commerciale à capital variable stipulant que tout associé peut être exclu de la société pour justes motifs par une décision des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité fixée pour la modification des statuts.

Il est intéressant d’ajouter qu’il n’y a pas directement de précédent concernant les motifs de l’exclusion.

La Chambre commerciale, dans un arrêt du 8 mars 2005, avait seulement considéré qu’il était possible et licite de prévoir dans les statuts que le redressement judicaire de l’un des associés lui aurait fait perdre la qualité d’associé, tant que l’exclusion est conforme à l’intérêt de la société et l’ordre public.

Cependant, une partie de la doctrine considère qu’une clause d’exclusion ne saurait être valablement stipulée sans que les motifs permettant sa mise en œuvre n’en soient fixés.

En conclusion, aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation semble revenir sur la question fortement débattue en doctrine de la possibilité d’exclure un associé d’une société. La jurisprudence confirmera ou non cette position. L’analyse de l’arrêt conduit également à penser que la solution pourrait valoir même dans les sociétés où la variabilité du capital social n’a pas été prévue. Enfin, cet arrêt ouvre peut-être également la voie à l’admission des clauses d’exclusion ad nutum.

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